AVANT-PROPOS

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Un port de commerce étant le point où vient con­verger le matériel des voies de terre et de mer affecté au transport des voyageurs et de tous les produits naturels ou manufacturés, doit être établi dans un lieu salubre et aéré ; sa position doit être signalée par un système d'éclairage pour la navigation de nuit et de balisage pour la navigation de jour, afin de bien fixer les marins sur la direction des passes et des entrées. Il doit comporter : des espaces d'eau et de terre ferme pour loger les navires, les wagons et les camions et assurer leurs mouvements; des entrepôts à couvert et à découvert pour remiser sur place partie ou totalité des car­gaisons ; des outils et des engins pour procéder au transbordement et à la manutention de la marchandise ; des instruments de radoub pour la visite et la réparation des navires à voiles ou à vapeur . 

Un port de commerce doit avoir aussi une organisation intérieure réglant l'ordre dans lequel doivent être exécutées les opérations maritimes, commerciales et douanières, et enfin, présenter une disposition d'ensemble très-simple, dont les éléments, groupés de façon à pou­voir exécuter une grande somme de travail dans le moins de temps possible, réalisent la meilleure utilisation des espaces occupés, du matériel et de l'outillage, tout en garantissant la conservation et l'entretien en bon état de ces derniers et de la marchandise. 

La présente Note résume l'étude que nous avons faite de ces questions, sous  les ordres de M. Pascal, inspecteur général des Ponts et chaussées, de M. Charles Bargmann, directeur de la Compagnie des Docks et Entrepôts de Marseille, et de feu M. Desplaces, notre ingénieur en chef et ami regretté ; elle résume aussi les documents pratiques s'y rapportant, que nous avons recueillis en Angleterre; en Hollande et en Belgique, dans les différentes missions qui, depuis 1859, nous ont été confiées â diverses reprises par M. Paulin Talabot et par la Compagnie des Docks et Entrepôts de Marseille. Ajoutons que dans ce travail, M. Bortkiewicz, ingénieur, notre chef de bureau des études, et M. Coupini, chef de la section des machines, nous ont prêté le concours le plus  actif. 

Les aménagements des ports de commerce et le système des constructions qui s'y rattachent, devant se prêter 1° aux diverses formalités auxquelles les bâtiments sont soumis à leur entrée clans les ports, durant le séjour qu'ils y font, ainsi qu'à leur sortie; 2° aux mouvements des matériels maritime et de terre clans les bassins et à quai; 3° enfin, aux opérations qui s'effectuent sur les marchandises de toute nature et de toute provenance, nous avons cru devoir indiquer d'abord, d'une manière sommaire, ces formalités, ces mouvements et ces opéra­tions ; renseignements indispensables parce qu'ils feront mieux saisir le caractère des améliorations que nous proposons, d'apporter dans les dispositions d'ensemble des ports de commerce établis ou à créer, ainsi que dans les entrepôts et les voies ferrées et charretières appelés à les desservir.

ENTRÉE DES NAVIRES.

Les navires à voiles ou a vapeur, chargés ou sur lest, à leur arrivée, ne pénètrent que dans l'avant-port; ils y stationnent jusqu'au moment où l'officier de la Santé, sur la présentation de la patente du bord[1] , leur ait accordé la libre pratique[2]. Cette formalité accomplie , l'officier du Port indique au capitaine le bassin dans lequel doit se rendre le bâtiment ; ce bassin dépend de la nature de la cargaison et du régime douanier sous lequel elle est admise.

 
         Dès son entrée dans le bassin, le capitaine doit remettre au bureau du Port, une déclaration écrite, indiquant le nom du navire, celui de l'armateur ou du consignataire, le tonnage, la nature et la provenance du chargement ; et c'est d'après ces indications que l'officier du Port fixe la place que doit occuper le bâ­timent : dans l'intérieur du bassin, si la cargaison doit  être transbordée de navire à navire ou débarquée avec le secours de chattes, et â quai, si la marchandise doit être déposée à terre. 

Les bateaux a vapeur appartenant aux diverses Compagnies de la localité, après avoir remis leur patente à la Santé, se rendent immédiatement a l'emplacement qui leur est réservé.

DÉBARQUEMENT.

La première opération des navires, après leur admission dans le port, consiste à débarquer les passagers et les bagages qui sont dirigés par mer sur un point du quai occupé par la police et la douane ; dans une  salle d'attente s'effectue le contrôle des voyageurs, et dans une autre salle la visite des bagages .

Avant de procéder au débarquement de la cargaison, le capitaine ou- le consignataire en remet le manifeste à la douane[3], afin que les destinataires puissent se faire délivrer les permis de débarquement .

Le débarquement peut être effectué de deux manières différentes, soit que la cargaison doive être mise à terre pour y attendre que les propriétaires en prennent réception (dans ce cas, la cargaison ne peut être débarquée que sur des points acceptés, par la douane) ; soit que la marchandise ne doive être débarquée qu'au fur et a mesure de son enlèvement par le destinataire, ce qui est le cas ordinaire, pour les voiliers surtout.

Ces deux manières de procéder doivent avoir leur réglementation spéciale, dans laquelle il faut prévoir, entre autres choses, le cas du débarquement avec gabarage et celui du débarquement bord à quai, comme aussi de l'intervention des équipages dans ces opérations.

Lorsqu'il s'agit du débarquement de marchandises lourdes et encombrantes et de bestiaux, on les transporte directement, sans rupture de charge, de la cale des na­vires sur wagons. Pour toutes les autres, on les dépose sons les quais découverts ou sous hangars, pour procéder à leur reconnaissance.

Après le débarquement, le navire reçoit un nouveau fret ; à défaut, il quitte le quai et se place en station­nement dans le bassin.

RECONNAISSANCE.

         La reconnaissance au débarquement consiste dans la manutention à faire sur le point où la marchandise a été débarquée ; on constate l'état, le poids, la jauge ou la mesure de celle-ci, la douane la vérifie, s'il y a lieu, et elle est ensuite déposée en un lieu permettant de la mettre en magasin ou de l'expédier par wagons ou par camions.

            La reconnaissance des marchandises lourdes et encom­brantes , telles que houilles, minerais , guanos , fontes brutes, fers, etc., ne comporte qu'un pesage en wagons.

            Pour les marchandises de transit international, on ne constate que le poids, le nombre de colis et les marques . 

MISE EN MAGASIN.

  Cette opération consiste à prendre la marchandise sur le point où elle a été reconnue , à la transporter dans le magasin qui lui est affecté , à la classer et à l'arrimer dans ce dernier.

La mise en magasin ne peut s'effectuer qu'au moyen d'une déclaration d'entrée du négociant, indiquant son nom, sa demeure, la nature des marchandises, la valeur à assurer et les opérations qu'il veut faire exécuter par le magasinier, lequel, responsable de leur entretien et de leur conservation en bon état, délivre au déposant un récépissé libre, portant toutes les indications utiles de la déclaration d'entrée, en même temps qu'un war­rant, si la demande lui en est faite.

        Les marchandises admises au bénéfice de l'entrepôt réel des douanes ne peuvent être déposées que dans les locaux spécialement affectés par cette administration au dit régime.
 

SORTIE DU MAGASIN.
  

 La sortie du magasin consiste à désarrimer la mar­chandise ; à en reconnaître le poids, la ,jauge ou la mesure ; la faire vérifier, le cas échéant , par la douane, et à la mettre â la disposition du réceptionnaire, soit pour l'enlever par charrettes , soit pour l'expédier par chemin de, fer.
  

EMBARQUEMENT.
  

L'embarquement consiste à recevoir à quai, des mains l'expéditeur, la marchandise chargée sur wagon, sur camion ou sur allége ; à la faire reconnaître par la douane par l'octroi et par l'agent du navire appelé à en donner reçu : à l'embarquer et à l'arrimer dans la cale. Dans chaque port, le temps accordé pour l'embarquement, comme aussi pour le débarquement est fixé par arrêté spécial.
  

SORTIE DES NAVIRES.
  

L’ordre de sortie des navires, du port et des bassins, par les officiers et maîtres de port. Comme pour l’entrée, le capitaine doit leur remettre une déclaration écrite ­indiquant son nom , ceux du navire , de l’armateur ; etc. , etc.

MANUTENTIONS DIVERSES.
 

Nous comprenons dans cette catégorie de travaux, différentes opérations qui nécessitent des emplacements assez vastes, et parmi lesquelles les plus importantes sont :

Le transfert; c'est-à-dire la cession de la marchandise faite par le propriétaire, à un tiers qui la laisse en magasin. Cette opération nécessite le désarrimage; le pesage, le jaugeage ou le mesurage, et enfin le ré arrimage.

Les expertises, pour lesquelles la marchandise est désarrimée, étalée et remise ensuite dans son état pri­mitif, après avoir subi quelquefois une réparation d'em­ballage ou de tonnellerie.

Le lotissage pour les enchères et le transport de la marchandise dans un local spécial.

Les fleuriers ou vidage en un seul tas de tout ou partie de la marchandise. 

Nous pourrions ajouter encore les opérations de triage (pour les drogueries surtout), celles d'emballage et de tonnellerie, etc., etc.  

  

Nous avons divisé la présente Note en deux parties la première a trait aux aménagements des ports et aux dispositions d'ensemble; la seconde, au mode de construction des ouvragés.

 

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[1] La patente est l'acte qui constate l'état sanitaire de la localité quittée par le navire, ainsi que la provenance de ce dernier. 

[2] La libre pratique est l'autorisation de communiquer avec la terre, donnée au bâtiment à l'abri de toute suspicion.

[3]  On donne le nom de Manifeste, à la déclaration des marchandises contenues dans un navire.