Texte communiqué par Jean Delouvrier

Tous mes remerciements vont à la Société des Lettres de l’Aveyron qui m’ont sympathiquement communiqué les éléments qui suivent :

 

Tiré de Al Canton – Saint Amans des Côts, octobre 2000.

 

Les transports :

 

Camporiès est la patrie de Jean - Charles Delouvrier, ingénieur civil, précurseur du plus lourd que l'air.

Charles Delouvrier (1821-1894)

“ Charles de Louvrié est né le 3 juillet 1821 à Combebisou.(...)

C'est à l'occasion d'un voyage que le destin lui fait rencontrer celle qui deviendra la compagne de sa vie, une dame veuve, la baronne d'Orcet. La voyageuse, fort inquiète de la perte d'une malle, remarque cet employé [des Chemins de Fer], qui paraît au-dessus de son emploi, et le prie de l'aider à retrouver son bien. La peine qu’ 'il se donne pour la servir les fait sympathiser; quelques mois plus tard, ils s'épousent (...)

A Saint - Marc, près de Clermont Ferrand, Charles de Louvrié devient ingénieur civil et se met aux affaires. Il installe et exploite une clouterie et une minoterie, tout en s'attachant à des travaux sur la propulsion des véhicules. (…)

Après le décès de son épouse en 1860, il part s'installer à Paris où il se met alors à étudier les appareils plus lourds que l'air. Il fait connaître à son ami Jean Babinet son projet d'un appareil d'aviation qui devait être tracté par un moteur à hélice. Par la suite, Charles de Louvrié ajoutera trois Mémoires de perfectionnements où il supprimera l'hélice par le moteur à réaction.

Mais la guerre de 1870 aura raison de ses plus ambitieux projets. En 1878, il vient se fixer définitivement à Combebisou. Du monde entier des savants lui écrivent. Dans les trois dernières années de sa vie, la sollicitude plus assidue lui vient d'Amérique, de la part du riche industriel Chanute de Chicago, le mécène de l'air par qui naîtra l'aviation avec les frères Wright. Il n'est pas impossible que des derniers n’aient emprunté leur invention, ou tout au moins l'idée principale, à leur précurseur génial mais dépourvu de moyens matériels pour triompher ”; (Extr. de Un compatriote illustre Charles de Louvrié, inventeur du moteur à réaction .., d'après l'abbé Fabre)

 

 

Complément : 

 

Retranscription partielle des notes faites à Campouriez, au premier jour de l’an 1972,  par l’Abbé FABRE, curé de Campouriez :

 

« Chers Compatriotes de CAMPOURIEZ,

J’ai essayé d’apporter un peu de lumière sur ce personnage énigmatique. A l'époque de ses recherches, l’erreur était permise. Charles de LOUVRIE n’en reste pas moins l’un des plus intéressants précurseurs de l’aviation Française et l’un des plus illustres enfants de CAMPOURIEZ. »

Première Partie : Notes biographiques.

 

Très brièvement, voici les lignes essentielles qui situent le personnage Charles de LOUVRIE.

 

SES ORIGINES

 

Charles de LOUVRIE est né le 3 Juillet 1821 à Combebisou, alors hameau de la commune de Montézic, canton de Saint-Amans des Côts. La déclaration de sa naissance, reçue par le Maire Lucadou, porte la mention  " Commune de Volonzac et Maire de Montézic." (ref. 4E162-4, n.3) Son père DELOUVRIER Jean Antoine (30 ans) propriétaire cultivateur du village de Combebisou, commune de Volonzac. Sa mère Marie MARC .
Il reçoit au baptême, célébré en l'église de Bez - Bedène, alors sa paroisse, le prénom de Jean, fils de Jean Antoine DELOUVRIER, cultivateur, signant sous cette orthographe.

On l'appela familièrement Charles parce que Jean était aussi un prénom ce son frère Jean-Amans.

La famille DELOUVRIER existe encore, le nom de famille ayant pourtant disparu. A la maison natale de Charles de LOUVRIE vit aujourd'hui Mme Veuve Auguste BATTEJAT, née Lucie DELOUVRIER, sa petite nièce. Sa sœur, Marcelle, est mariée à M.BRUNET du Monastère - Cabrespines, canton d'Estaing.

Charles DE LOUVRIE, était l'arrière grand-oncle de Mme Victor DELMAS de Combebisou, de Roger et Lucien BATTEJAT.

 

SON ADOLESCENCE

 

Jeune enfant,  Charles se distingue de ses petits camarades par son esprit vif, ouvert et intuitif. Le curé de Bez-Bedène le fait entrer au séminaire où il fît de brillantes études en mathématiques et en mécanique, les quelques calculs que je reproduirai plus loin le prouvent suffisamment.

A la mort de ses parents, il quitta le séminaire, il rentre chez lui où il vit quelque temps sur le bien commun avec son frère.

 

L'HOMME

 

Ce jeune homme, à la forte corpulence, au regard énergique, à l'esprit  bouillant, à l'ambition dévorante, étouffe antre les quatre murs de la ferme. Il demande à son frère de réaliser sa part d'héritage. Il vend les biens fonciers qui lui reviennent et part vivre à Paris.

Aux yeux de ses compatriotes, Charles de LOUVRIE fait figure d'orgueilleux et d'illuminé pour les meilleurs jugements, de dévoyé pour la majorité, à la façon de l'enfant prodigue de 1'Evangile.

A Paris, son avoir fond comme neige au soleil; forcé de gagner sa vie, il entre aux Chemins de Fer.

 

SON FOYER

 

C'est à l'occasion d'un voyage que le destin lui fait rencontrer celle qui deviendra la compagne de sa vie, une dame veuve, la Baronne d'Orcet. La voyageuse, fort inquiète de la perte d'une malle, remarque cet employé, qui paraît au dessus de son" emploi, et le prie de l'aider à retrouver son bien.  La peine qu'il se donne pour la servir les fait sympathiser; quelques mois plus tard ils s'épousent.

A la demande de son épouse la baronne, Charles doit transformer l'orthographe de son nom qu'il écrira désormais avec la particule : De LOUVRIE. Plus tard, quand il cherchera un commanditaire, il donnera notoriété à cette particule marquant qu'il est, de famille, à un siècle où ceci compte plus que le talent.

 

LE TRAVAILLEUR

 

Au lendemain, de leur voyage de noces à Londres, le couple s'installe au domicile de la baronne, à St-Marc, près de Clermont-Ferrand.

 

Charles de Louvrié devient alors ingénieur civil et se met aux affaires. Il installe et exploite une clouterie et une minoterie, tout en s'attachant à des travaux sur la propulsion  des véhicules.

Ses mérites lui valent deux diplômes et deux médailles aux expositions de 1854 et 1855, la première médaille récompensant plus spécialement ses recherches sur les cycles.

La gloire et la fortune dont il rêve tiennent moins à ses industries qu'aux succès espérés des recherches sur de nouveaux moyens de locomotion. Le bruit fait à Paris par les champions du plus lourd que l'air éveille vivement son attention.

Le décès de son épouse  en 1860, est un tournant de sa vie. Il va se donner corps et biens à ses recherches scientifiques. Le litige de la succession est tranché par le tribunal de Clermont-Ferrand qui astreint: la fille et le beau-fils de la défunte à lui verser, sa vie durant, une pension annuelle de 1000 francs.

Libre désormais, son sort matériel assuré, il retourne à Paris, s'y installe et prend contact aussitôt avec les aéronautes du temps.

 

NB : Les seconde, troisième et quatrième parties ont été volontairement occultées car les plans et calculs ne peuvent passionnés que les initiés…

 

Cinquième partie

 

Dernières années -Sa mort

 

Après sept ou huit mois d'attente, De L’Ouvrié vient se fixer définitivement à Combebisou. La moitié da la maison natale; lui appartient d'après le partage provisoire de 1847, il en fait sa

Demeure où il vivra les seize dernières années de sa vie.

Le hameau de Combebisou restera marqué par cet homme. Il y laissera la double image : de l'aviateur jamais découragé, dont on a souri parce qu'on ignorait 1'importance de son travail, et du vélocipédiste juché sur un bicycle qu'on regardait étonné.

Le besoin d'accroître ses ressources lui fait conclure, avec son frère Jean-Amans, un accord  permettant qu'il établisse au moulin de La Selves une  modeste fabrique de barils en bois pour la conservation des olives. Une petite turbine d'eau actionna un tour qui imprime sa rotation à des scies-circulaires sur des cylindres de différents diamètres.       .

L'entente avec son frère est de courte durée, il installe le matériel chez lui. Envenimée par la contiguïté du logement, la brouille s'aggrave jusqu'à la chicane et l'aversion.

 

De 1884 à 1888, Charles de Louvrié est Maire de Campouriez. Il ne tient pas à le demeurer longtemps. Il écarte certaines avances avec tact et dignité. Non seulement ses travaux l'absorbent, mais uns sorte de souriant stoïcisme l'éloigne de toutes ces agitations d'où qu'elles viennent.

Cette période de sa vie est la plus féconde pour les sciences de l'aviation. Insectes, oiseaux, chauves-souris, feuilles au vent, tout ce qui vole est étudié et rapporté  à d'innombrables essais pour connaître les lois de la résistance de l'air et de l'équilibre des corps en suspension dans 1e calme ou sur les courants. "On est tenté de l'appeler le père de l'aérodynamique et les pionniers du vol à voiles se réfèrent à lui", d'après Jules Duhem.

 

Au dossier, se trouvent toutes les lettres photocopiées de la correspondance qu'il a entretenue avec la Société Française de navigation aérienne dont il était un des plus anciens membres. Cette correspondance a été publiée par "l’Aéronaute". Du monde entier, des savants lui écrivent. Dans les trois dernières années ça sa vie, la sollicitude plus assidue lui vient d'Amérique, de la part du riche ingénieur Chanute de Chicago, le mécène de l'air par qui naîtra l'aviation avec les frères Wright. Il n'est pas impossible que ces derniers n'aient emprunté leur invention, ou tout au moins l'idée principale, à leur précurseur génial mais dépourvu de moyens matériels pour triompher.

 

Ces années, pendant lesquelles Chanute correspond avec lui, sont celles où on le voit spécialement attaché aux essais d'un petit aéroplane à hélice de son invention. Ses essais étaient très poussés et, pour mieux juger, il hasardait comparativement des sauts planés. Louis Fournier, instruit par des témoins directs, prétend que " De Louvrié fît des tentatives nombreuses et périlleuses. Il avait la certitude qu'on arriverait au résultat dans un bref délai. Des témoins assuraient que son appareil quittait le sol et parcourait quelque distance."

 

On ne retrouve rien sur la forme, la structure, le nombre et le comportement des plans, c'est tout ce qui pouvait servir à d'autres. Louis Fournier avait, reçu un dessin en plan de l'appareil, document précieux que je me suis efforcé en vain de retrouver, l'espérant de nature à élucider le débat. Il fait état de l'envoi de l'appareil à Chanute, confirmé par les papiers que détenait son neveu.

 

Faute de documents, je laisse en suspens la question de savoir si le génie de De Louvrié a instruit celui qui devînt le créateur du bi-plan et le conseiller de Wright. Il n'est pas trop aventuré de croire qu'il aurait été le premier  à réussir si les moyens ne lui sussent manquer; c'est l'histoire de grand nombre d'inventeurs.

 

Sa mort

 

Reste à dire sa fin.  Le 11 Mars 1894, on le voit lisant assis tranquillement devant sa porte. Le lendemain, le facteur vient, heurte la porte, appelle et, n'entendant  rien, il pousse la fenêtre. Dans l'ombre, il le voit comme mort sur son lit. L'apoplexie l'a frappé là. Les soins ne le font pas revenir à lui et, le 13 Mars à cinq heures de l'après-midi, il rend son dernier souffle. Celui qui a rêvé la gloire et la fortune, à l'âge de 73 ans, part sans un ami auprès de lui.

 

On l'enterra au vieux cimetière de Campouriez. Nul n'y pensant, sa tombe se perd bien avant que se perde aussi le cimetière. Ses ossements mêlés aux autres sont enlevés de ce lieu où l'on a construit aujourd'hui la Poste et la Mairie. Dans notre temps de gloires viagères son destin donne à penser.

Le faire-part du décès de De Louvrié a paru dans un rapport de séance de l'Académie des Sciences. Trois mois après sa mort, 1' "Aéronaute", s'inspirant de l'article de Victor Meunier paru en 1867 dans 1' "Opinion Nationale", fait l'éloge du savant inventeur.

Dans le même temps, le périodique américain "Aéronautics" produit les vues de Louvrié sur l'envol et sur le battement oblique.  Deux années plus tard, Paul Decauville insère brièvement son éloge dans le discours qu'il prononce, en tant que Présidant de la  Société de navigation aérienne, 1' "Aéronaute" le publie.

Léopold Desmarets fait encore allusion à l’œuvre expérimentale de De Louvrié en commémorant celle de Lilienthal.

Son souvenir s'efface alors quelque temps, les succès de l'aéroplane ne le réveillent pas. Les premiers  qui le ressuscitent sont les pionniers du vol à voile, mais entre eux. C'est l'aviation à réaction pure qui le remet au jour, d'abord par des articles de techniciens, puis par des rappels au public.

 

Le 9 Juillet 1953, sur une demi-page, le quotidien  aveyronnais "Le Rouergue Républicain" écrit sous le large intitulé : "Un Aveyronnais, De Louvrié de Combebisou, précurseur de l'aviation à réaction". L'auteur de cet article, G. Sablier, professeur à l'Université de Travail de Montevideo, ne s'en tient pas au vol à réaction, c'est l'élaborateur de l'aérodynamique qu'il fait d'abord valoir.

"Il y à trente ans, écrit-il, alors que le vol sans moteur allait naître, on se référait à De Louvrié comme à d'autres auteurs anciens." "Pour éviter le silence de l'histoire, ajoute-t-il, c’est dans son pays natal qu'une stèle au disparu devrait être érigée.''               .

Et pourquoi pas ? Cette tâcha revient à la Commune. Le Ministère de l'Air m'a promis tout son appui si nous tentions quelque chose pour faire revivre le mémoire de Charles de LOUVRIE.

C'était aussi le vœu de Louis Fournier : "Nous souhaitons que les travaux de De Louvrié sur les cycles, l'hélice, l'aéroplane et le moteur à réaction soient étudiés afin que justice lui soit rendue."

On peut se demander si De Louvrié a reçu une aide financière d'Amérique ?

Au dossier, se trouve une lettre du 16 Août 1892 qu'il écrit au Ministre de la Guerre dont voici un extrait:

 

"J'ai l'honneur  de vous informer  que j'ai reçu d'Amérique, de la part de M.Chanute, une lettre dans laquelle il me prie de lui envoyer tous les renseignements possibles sur mon projet d'aviation. Au Congrès Aéronautique de Paris 1889, il a dit se charger de trouver en Amérique un million de francs, s'il le fallait, pour la construction et l'expérimentation de mon projet d' Anthropornis" . De plus le "Cosmopolitan" vient d'ouvrir un concours sur la question avec trois prix de 25.000 francs chacun, je n'ai envoyé à M.Chanute que la théorie générale de mon système mais je me propose de concourir et de m'y faire breveter si le Gouvernement Français n'adopte pas le projet que je lui ai proposé en 1866.  Quoique vous décidiez, M .le Ministre, j'aurais fait mon devoir jusqu'au bout. On ne peut pas priver indéfiniment l'humanité d'une telle découverte."

 

Dans le dossier, il n'y a pas trace d'argent reçu d'Amérique, dès cet instant le Ministre de la Guerre se tient au courant de la correspondance de De Louvrié. Il est très probable qu'il a expédié à Chanute les dessins et les données de cet aéroplane, puis l'appareil lui-même, qu'on n'a jamais retrouvé. Il est difficile de savoir si cet envoi a été utile au pionnier américain de l'aviation.

 

C'est par un projet manqué d'aéroplane a hélice, on l'a vu, que De Louvrié est entré en 1863 dans la voie de l'aviation, à la fin, c'est à ce même type d'appareil qu'il revient. Le souvenir en reste encore à Cambebisou, vaguement conservé, sans aucune précision technique.

 

Mme Ve Auguste Battéjat, née Lucie Delouvrier, petite-nièce de l'inventeur, qui habite encore la maison, n'en peut rien remémorer. Son père lui a dit que les plans et les études sur l' "Anthropornis" avaient été expédiés à Chicago. Elle se rappelle avoir eu en mains des lettres de Chanute, aucune n'a été conservée. Un monceau de documents, laissés par son grand-oncle ont été brûlés ou détruits.

 

Des conversations que j'ai eues avec le brave père Delmas Frédéric de Combebisou, il ressort que de Louvrié faisait figure d'illuminé plutôt que de savant aux yeux de ses compatriotes. Il se rappelle; sa table chargée de livres et de papiers, ce n'était pas commun alors. En gardant son troupeau, il cueillait les premières fraises des bois pour "lou Moussu dé Prodalou", (surnom de la famille Delouvrier). Celui-ci faisait sourire ses voisins lorsque, regardant la diligence gravir la cote de Quinsac, il leur disait qu'un jour la voiture n'aurait plus besoin d'attelage à chevaux. Il prétendait aussi que les hommes voleraient comme les oiseaux et qu'ils nageraient comme des poissons.

Il faisait sensation sur le bicycle qu'il avait construit lui-même. Il étudiait le vol des oiseaux et projetait en l'air las poules qu'il regardait retomber. Le battement des ailes le préoccupait beaucoup.  Ce sont là les souvenirs de notre doyen d'âge M. Delmas, 92 ans, le seul capable de se rappeler puisqu’il avait 14 ans à la mort de De Louvrié et qu'il était son voisin.

 

Au début de 1932, M. Célestin Rouquette, originaire du Rouergue, dévoué à la mémoire de

De Louvrié, est venu visiter sa maison natale. Le maître de maison lui a remis en souvenir la seule photographie qu'il possédait de son oncle, celle qui figure à notre première page.

Louis Fournier tenait de Frédéric Delouvrier, son neveu, des renseignements et des documents importants. Ce qu'on peut savoir du dernier modèle d'aéroplane vient de là. " Son appareil moteur, dit-il, était constitué par une corde élastique préalablement tendue autour d'un barillet qu'elle faisait tourner en se détendant. Un système d'engrenages reliait le barillet au pivot de l'hélice."

 

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